Auteur : William Belhadef, chercheur chez Innofibre
Peut-on se prêter à croire au futur du biocarbone pour l’industrie sidérurgique ? La popularité du biocharbon ne cesse de grandir depuis une quinzaine d’année et le nombre de publications scientifiques consacrées à sa production a même été multiplié par 10. Nous assistons au retour progressif du biocharbon dans de nombreux domaines et notamment le biochar, appellation du biocharbon dans l’agriculture. Rappelons que le biocharbon est un terme générique donné pour de la biomasse carbonisée. Aujourd’hui, poussé par les problèmes climatiques générés par les GES, le biocharbon devient un candidat sensé pour substituer le charbon fossile dans de nombreuses applications industrielles dont la sidérurgie : la métallurgie du fer, de la fonte, de l’acier et des alliages ferreux.
Application industrielle du biocarbone pour la sidérurgie
Pour cette industrie, le biocharbon, parfois nommé biocarbone, joue plusieurs rôles. Il peut bien sûr être utilisé comme agent réducteur, soit fournir une source renouvelable de carbone pour réduire le minerai d’oxyde de fer en fer métallique. On l’utilise aussi comme agent de consistance en l’ajoutant au minerai à traiter, pour obtenir une consistance adéquate, en offrant une bonne perméabilité du minerai au gaz. Ainsi, le biocharbon est utilisé à différentes étapes dans les procédés métallurgique en remplacement du charbon minéral.
Potentiel d’intérêt pour l’industrie sidérurgique québécoise
Actuellement au Québec, le biocarbone a toutes les chances de gagner ses lettres de noblesse auprès de l’industrie sidérurgique. La conjoncture lui est favorable, notamment en raison de la disponibilité des ressources forestières et de la présence sur le territoire du Québec de grandes usines de fer et d’alliages engagées dans la transition écologique et énergétique. L’emploi du biocarbone aura alors deux grands impacts sur l’économie nationale : il réduira la dépendance aux combustibles d’origine fossile et soutiendra les entreprises forestières d’ici, en donnant des débouchés supplémentaires à la biomasse résiduelle, en plus de contribuer aux enjeux sociétaux, soit de réduire les émissions de gaz à effet de serre.
Les sidérurgistes ont l’opportunité d’intégrer de près ou de loin la production du biocarbone et de mettre de côté le charbon d’origine fossile pour amorcer leur virage vert. C’est un fait, la demande pour l’acier vert est au rendez-vous et des initiatives impliquant l’utilisation industrielle du biocarbone se déploient présentement sur la planète. La construction du fourneau de démonstration Hybrit à Luleå, en Suède, employant de l’hydrogène fait partie de ces innovations. Il faut savoir qu’avec la production de biocarbone, il est possible de générer de l’hydrogène comme co-produit. En effet, durant la transformation de la biomasse en biocarbone, des composés volatils libres et des bio-huiles sont aussi générés. Ce sont ces fractions qui seront utilisées pour produire de l’hydrogène.
Du biocarbone, mais pas n’importe lequel et n’importe comment
Face au besoin en tonnage de la sidérurgie, il est primordial de viser un haut rendement dans la transformation de la biomasse en biocarbone. Le biocarbone est obtenu après le chauffage de la biomasse à des températures entre 300 et 600 °C, dans une atmosphère pauvre en oxygène, pour des temps allant de quelques secondes à plusieurs jours. La durée de chauffage varie en fonction de la technique employée et de la granulométrie de la biomasse.
Mais ce n’est pas tout, quant aux propriétés chimiques, le biocarbone sidérurgique doit être un quasi-clone du coke de charbon ou de l’anthracite (charbon âgé), c’est-à-dire avoir une haute teneur en carbone élémentaire, sans renfermer des composés volatils. Les composés volatils sont des gaz adsorbés ou emprisonnés dans les pores du charbon. Ces gaz sont essentiellement le dioxyde et le monoxyde de carbone, le méthane et des hydrocarbures légers. Les sidérurgistes cherchent à les limiter, car leur dégagement trouble le procédé sidérurgique. De plus, ces gaz sont responsables des phénomènes d’auto-échauffement pouvant provoquer l’auto-inflammation durant le stockage du biocarbone.
Dans la pratique, avec les procédés de transformation de la biomasse en biocarbone, il y a un rapport antagonique entre avoir un haut rendement de transformation et les propriétés chimiques recherchées. Bien que la science et les technologies ont permis d’avancer sur le développement de la caractérisation du biocarbone et ainsi de mieux comprendre, en partie, sa transformation, la pléthore de réactions physico-chimiques ne sont toujours pas pleinement détaillées.
Le grand défi posé est de découvrir des stratégies de transformation de la biomasse en biocarbone et de les optimiser pour obtenir à la fois, un haut taux de carbone élémentaire, un faible taux de composés volatils piégés et un bon rendement massique de conversion. Actuellement, l’équipe d’Innofibre teste pour des partenaires industriels des pistes de solutions afin de satisfaire ses critères de produit et de procédé.
Une équipe de choc dédiée au biocarbone
Innofibre a constitué un groupe opérationnel d’élite en recherche appliquée qui travaille sur la caractérisation et la production de biocarbone spécifique. C’est une équipe de chercheurs et de techniciens, dédiée au conditionnement et aux différents procédés de conversion thermochimique de la biomasse. Ces experts œuvrent dans un atelier pilote où se trouve un vaste choix d’équipements pilotes et de laboratoire pour développer du biocarbone, depuis l’échelle du gramme jusqu’à quelques tonnes. Les laboratoires incluent des instruments analytiques permettant de caractériser autant les biomasses recueillies que les gaz émis durant les processus de conversion.
Remplacer le charbon par du biocarbone, voilà la mission à laquelle l’équipe d’Innofibre s’attèle pour développer des biocarbones aux propriétés physiques et chimiques spécifiques, répondant aux besoins des entreprises et ce, à une échelle industrielle. Dans une perspective d’économie circulaire, Innofibre travaille sur la valorisation de la biomasse résiduelle accessible. Cette approche mise sur un approvisionnement local, pour faciliter l’émergence de débouchés en vue d’une utilisation locale.