Auteur : Vincent Taillard, chercheur chez Innofibre
En 2021, il n’existe toujours pas de technologie efficace permettant la gestion éco-responsable des fines particules produites par les centres de tri de déchets de construction, rénovation et démolition (CRD). La filière d’élimination conventionnelle par enfouissement entraine la genèse de gaz toxiques et leur gestion est couteuse. Conscientes des problématiques causées par les modes de gestion de ces déchets, les instances gouvernementales imposeront des contraintes et des pénalités de plus en plus grandes au cours des cinq prochaines années. Ces nouvelles règles permettront de fortement limiter les inconvénients générés par les méthodes d’enfouissement actuelles. Grâce à ses recherches, Innofibre est en mesure de proposer une alternative de gestion écoresponsable et efficace basée sur le conditionnement, la séparation et la valorisation des différents matériaux présents dans ces résidus de criblage primaire.
Les fines, un défi de valorisation
À l’échelle mondiale, les activités de construction et de rénovation de bâtiments résidentiels, commerciaux et institutionnels génèrent des résidus appelés déchets de construction et rénovation (CR). Lorsque des bâtiments sont détruits, les déchets produits sont appelés déchets de démolition. La production de déchets de construction, de rénovation et de démolition (CRD) augmentent au même rythme que les activités de construction et les volumes générés peuvent représenter de 20 % à 50 % de l’ensemble des déchets municipaux produits. La nature et le volume de ces déchets rendent leur tri relativement complexe, et encore plus particulièrement pour les fractions granulométriques les plus fines, appelées « fines de CRD » ou encore « résidu de criblage primaire de CRD ». Les technologies actuellement disponibles ne sont pas en mesure de séparer efficacement les différents matériaux valorisables dont sont constituées ces particules inférieures à 25 mm.
Les fines de CRD peuvent représenter près de 30 % du volume total de déchets de CRD triés. Présentement, elles sont généralement valorisées (utilisées) comme matériel de recouvrement dans les lieux d’enfouissement technique (LET). Cependant, des études récentes ont mis en évidence une problématique de compostage de la matière organique présente dans ces résidus en présence de sulfate de calcium (gypse) humide formant des cellules imperméables. En effet, en présence d’humidité, les particules de gypse forment une boue imperméable empêchant la circulation d’air nécessaire à une saine dégradation. Cette dégradation anaérobie génère des gaz toxiques (sulfure d’hydrogène, méthane) coûteux à gérer et pouvant mener à des nuisances olfactives et à des problèmes de santé publique. Depuis 2015, les responsables de LET sont de plus en plus réticents à l’utilisation des fines de CRD comme matériel de recouvrement en raison des coûts importants générés par la gestion des gaz toxiques. Les centres de tri se retrouvent donc avec un matériel très dispendieux à gérer, mettant en danger leur modèle d’affaires et, par conséquent, leur existence à moyen terme.
Collaborations, multidisciplinarité et équipements industriels
Au fur et à mesure des années, Innofibre a su développer une expertise diversifiée dans le domaine du conditionnement, du tri et de la valorisation de différentes matières résiduelles non dangereuses (MRND) et des déchets de CRD. Les projets de collaboration ainsi que les discussions régulières avec les partenaires privés œuvrant dans le domaine (centres de tri, centres d’enfouissement, etc.) ont permis de bien comprendre les enjeux et les contraintes liées à cette problématique.
C’est en prenant en considération les besoins des centres de tri qu’Innofibre a fait le choix de miser sur le développement de solutions de gestion écoresponsables et adaptées à l’ensemble des fines de CRD générées à l’échelle de la province et présentant une granulométrie inférieure à 1 pouce (25 mm). Le Centre d’innovation et de transfert de technologie peut compter sur l’expertise de son équipe multidisciplinaire et passionnée, ainsi que sur sa capacité à rassembler des collaborateurs offrant de l’expertise complémentaire. De plus, il peut s’appuyer sur un parc d’équipements adapté d’échelle semi-industrielle et industrielle. Ainsi, l’équipe a été en mesure de tester des technologies de conditionnement et de tri avant-gardistes, de séparation physique, de traitement de sols contaminés et de conversion thermochimique des résidus. Consciente de la nécessité de proposer une solution complète de gestion et de valorisation, l’équipe d’Innofibre travaille actuellement à développer une ligne de traitement intégrant ces différentes technologies. L’objectif est une ligne qui soit facilement réalisable dans un centre de tri de CRD d’échelle intermédiaire. En parallèle, des efforts constants sont fournis pour permettre le développement de nouveaux marchés pour les différents extrants générés.
La mise en marché à courts ou moyens termes d’une solution efficace pour la gestion et la valorisation des fines particules produites par les centres de tri de CRD est un enjeu important dans l’ensemble des pays développés et en voie de développement à l’échelle internationale. Au Québec en particulier, le développement d’une alternative éco-responsable adaptée, incluant la valorisation des matériaux présents dans ces fines de CRD est nécessaire, très attendue par la communauté et fortement encouragée par les autorités gouvernementales concernées.