Les mille et une façons de valoriser le saule!

19 mars 2025

Les mille et une façons de valoriser le saule!

Par Mélanie Trudel, chercheuse, Innofibre

 

Au Québec, on retrouve plus d’une quarantaine d’espèces de saules indigènes. La production de saules arbustifs a gagné en popularité dans les dernières années vu ses nombreux avantages.  Certaines espèces sont reconnues pour leur résistance au stress abiotique et leur croissance rapide. Ces saules peuvent être récoltés après seulement 3 ans de croissance. À la récolte, la base du tronc et les racines sont laissées en place pour que le rameau se régénère pour la prochaine récolte. La biomasse produite peut être utilisée à différentes fins, allant de la bioénergie à la fabrication de matériaux.

 

Traiter les eaux usées grâce au saule

Le saule a la capacité de capter les contaminants dans le sol par ses racines. En 2022, un article portant sur les travaux de recherche de la doctorante Eszter Sas a été publié dans Québec Science. Madame Sas réalise ses recherches sous la direction de Frédéric Pitre, professeur au Département de sciences biologiques de l’Université de Montréal et membre de l’Institut de recherche en biologie végétale (IRBV). Selon cette publication, il serait possible de traiter 20 millions de litres d’eaux usées par hectare de saules plantés, soit l’équivalent de 16 000 saules. L’eau usée est absorbée par les racines des plants et les contaminants sont séquestrés dans la biomasse. Un tel procédé, appelé phytoremédiation, permettrait de réduire significativement la quantité de contaminants échappant aux systèmes actuels de traitement des eaux usées, et qui se retrouvent dans les cours d’eau.

Les saules peuvent accumuler des charges importantes en azote, en phosphore et en métaux lourds, ainsi que réduire la quantité de matière organique présente dans les eaux usées. Selon un article publié en 2017 dans Le Devoir, un procédé de phytoremédiation développé au Québec pourrait absorber jusqu’à 98 % de l’azote contenu dans des eaux usées et jusqu’à 40 % du phosphore. Ces 2 éléments constituent des nutriments pour la croissance des végétaux.

Cependant, un phénomène d’eutrophisation peut survenir si de trop grandes quantités d’azote et de phosphore se retrouvent dans les cours d’eau. L’eutrophisation se caractérise par la croissance excessive des plantes aquatiques et des algues qui, suivant leur cycle de vie, vont absorber de grandes quantités d’oxygène. Ainsi, l’intégrité de l’écosystème aquatique se trouve menacée puisqu’il ne bénéficie plus de l’oxygène nécessaire à sa survie.

 

Les multiples usages du saule

Les saules ayant atteint l’âge mature sont, entre autres, valorisés sous forme de copeaux pour la bioénergie ou comme paillis horticoles. Il est également possible de créer des écrans antibruit et des clôtures avec les rameaux. Finalement, il est également possible de développer des produits à valeur ajoutée en effectuant l’extraction des métabolites spécialisés synthétisés par les saules. Il existe certains extraits naturels d’écorces de saule qui sont présentement commercialisés comme produits naturels (figure 1).

 

                                                                         Figure 1. Voies de valorisation actuelles du saule

Actuellement, cette voie de valorisation demeure sous-exploitée. La littérature scientifique démontre pourtant que l’écorce de saule possède plusieurs métabolites bioactifs ayant des activités anti-inflammatoires (ex. : acides organiques), antioxydantes (ex. : lignanes), antimicrobiennes (ex. : phénols, terpènes) et anticancers (ex. : flavonoïdes).

Bien que des entreprises dans le domaine cosmétique distribuent différents extraits de saule, par exemple, pour la régulation du sébum, plusieurs recherches sont encore nécessaires pour développer davantage ce secteur et ainsi, maximiser la valorisation de nos ressources.

 

Intérêt et avancées chez Innofibre

Innofibre possède des équipements de pointe pour le conditionnement de la biomasse et l’extraction de molécules à valeur ajoutée tant à l’échelle pilote que laboratoire. Le centre s’est penché récemment sur l’étude d’extraits de saule pour une utilisation en santé animale, grâce à un financement obtenu du Programme d’Aide à la Recherche et au Transfert (PART) du ministère de l’Enseignement supérieur (MES). Des extraits à base d’écorces de saule ont été produits pour valider l’effet antimicrobien sur des souches causant la mammite et la boiterie chez les animaux de ferme (Staphylococcus aureus, Escherichia coli et Streptococcus agalactiae). À partir de la biomasse séchée et broyée, une extraction accélérée à l’eau a été réalisée pour extraire les molécules de la famille des composés phénoliques.  Une partie de cet extrait a ensuite été fractionnée avec un solvant organique pour concentrer les molécules d’intérêt. L’extrait fractionné a démontré un potentiel antimicrobien fort intéressant. En effet, dissous dans une solution à une concentration de 1,7 % poids/poids, il a permis de réduire de 97,8 % le nombre de bactéries E. coli dans un bouillon de culture, suivant un temps de contact de 3 minutes. Des optimisations au niveau des paramètres d’extraction (température, pression, etc.) seront nécessaires afin d’améliorer l’efficacité antimicrobienne.

 

Et maintenant…

Les nombreuses caractéristiques du saule suggèrent que cette biomasse gagnerait à être davantage exploitée. La sensibilisation à l’environnement, de plus en plus présente dans la société, nous amène à privilégier des produits biosourcés locaux pour diminuer notre empreinte écologique. Les résultats obtenus par Innofibre sont prometteurs et suggèrent que l’extrait de saule pourrait être un bon agent antimicrobien. Innofibre continuera ses recherches pour élaborer de nouveaux produits à base d’extrait de saule qui pourront être utilisés dans plusieurs secteurs d’activités (produits désinfectants, cosmétiques, pharmaceutiques et alimentaires).

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