Un texte de Maude Tessier-Parenteau, Chercheuse chez Innofibre
Ce n’est plus un secret : les changements climatiques sont bien présents. C’est la course contre la montre pour réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES). Pour limiter l’augmentation de la température moyenne mondiale en dessous de 2 degrés Celsius, le gouvernement québécois réaffirme l’engagement des plans antérieurs de réduire les émissions de 37,5% pour 2030, par rapport aux émissions de 1990. Un système de plafonnement et d’échange des droits d’émissions de GES, appelé le marché du carbone, a été instauré en 2013 afin de contribuer à l’atteinte de cette cible. Les grandes entreprises émettrices de GES du Québec doivent acheter des droits d’émission qui correspondent à une tonne de GES, calculée en équivalent de CO2, et dont le prix de vente minimum augmente annuellement. Les revenus générés par les ventes aux enchères sur ce marché sont versés au Fonds vert pour financer des projets de lutte aux changements climatiques.
Mais que doivent faire ces entreprises pour réduire leur empreinte environnementale?
La biomasse forestière est de plus en plus convoitée afin de remplacer les combustibles fossiles dans des procédés industriels ou pour la production d’énergie. Les GES émis par la combustion de la biomasse forestière sont compensés par le carbone capté tout au long de la vie des arbres; pour un bilan carboneutre. Des compagnies ont compris l’avantage d’utiliser la biomasse comme combustible. Elles peuvent fabriquer des produits à base de carbone biogène, c’est-à-dire de CO2 issu de biomasse, et après certification, bénéficier de certains incitatifs financiers.
Certains enjeux dans cette approche de développement durable demeurent bien actuels: l’approvisionnement et le transport de biomasse, son préconditionnement (taux d’humidité et granulométrie) et les modifications nécessaires aux équipements. Tout cela sans affecter le procédé, ni les spécifications des produits finaux.
D’autres combustibles alternatifs possédant un bon pouvoir calorifique sont aussi envisagés, c’est-à-dire des déchets qui autrement seraient enfouis. On peut penser aux dormants de chemin de fer et aux pneus. En les calcinant à très haute température selon des conditions spécifiques, les émissions de cheminée respectent les normes selon une surveillance accrue.
Certains procédés entraînent des émissions qui ne pourront jamais être réduites par le remplacement des combustibles fossiles; c’est le cas des cimenteries qui produisent du ciment à partir de roches de calcaire. Indépendamment des émissions engendrées pour la production de l’énergie requise dans le procédé, le calcaire calciné à plus de 900 degrés Celsius dégage inévitablement le dioxyde de carbone et l’oxyde de calcium qu’il contient. Il est pertinent pour ces grands émetteurs d’avoir recours à des technologies de capture du CO2 directement à la source, en plus des mesures d’évitement.
La technologie de capture du CO2 la plus mature actuellement sur le marché utilise le principe d’absorption aux amines. Elle est malheureusement assez onéreuse et peut entraîner d’autres conséquences néfastes sur l’environnement lors de l’étape de régénération du solvant aux amines, tel le traitement de boues qu’il en résulte. Des entreprises internationales planchent sur des versions améliorées et plus écologiques de ces absorbants. D’autres entreprises misent sur un autre type d’absorbant plus respectueux de l’environnement, comme le carbonate de potassium.
Capter le dioxyde de carbone est primordial mais que fait-on de tout ce CO2 par la suite?
Les marchés traditionnels pour le CO2 sont entre autres ceux des boissons, du traitement des eaux et des réfrigérants. Ils deviendront rapidement saturés si tous les grands émetteurs veulent y écouler leur CO2. Une solution plus permanente est la séquestration du dioxyde de carbone, en l’injectant dans les puits de pétrole pour favoriser l’extraction, dans certains sols par minéralisation ou dans des aquifères salins, si la géologie le permet. Les technologies de valorisation du CO2 en produit à valeur ajoutée prennent de plus en plus de maturité au fil des années. On peut penser à la fabrication de matériaux de construction comme le béton, de produits chimiques intermédiaires comme le méthanol, de carburant et de polymères. Le CO2 peut aussi être utilisé comme apport pour favoriser la photosynthèse dans des serres. Dans tous les cas, la maturité de la technologie de conversion, la taille du marché et la valeur du produit sont des critères importants à étudier pour la viabilité de ces nouvelles valorisations.
L’hydrogène vert: la solution?
Plusieurs chercheurs s’entendent pour dire que la transition énergétique d’ici 2070 requiert inévitablement la production d’hydrogène vert. C’est par l’électrolyse de l’eau, séparant l’hydrogène et l’oxygène à partir d’électricité de source renouvelable, qu’on crée l’hydrogène vert, sans aucune émission de CO2. Le Québec est fortement avantagé par son hydroélectricité. L’hydrogène est non seulement un carburant alternatif n’émettant pas de GES, mais combiné avec du CO2 capté, il peut aussi mener à la synthèse d’une multitude de produits d’intérêt.
Un bioparc au Québec
Innofibre travaille actuellement sur une étude en partenariat avec des organismes, des entreprises et d’autres institutions de recherche, pour mettre en place une symbiose industrielle autour d’un grand émetteur de GES au Québec. L’idée est de mettre en valeur ce gisement de CO2 pour attirer des entreprises de haute technologie, spécialisées en capture et en valorisation du CO2, afin de créer des opportunités de développement sur le territoire. Des technologies de production de biocombustibles sont aussi à l’étude, notamment la production de microalgues et de biobrut algal, afin de maximiser les retombées économiques et sociales sur la région.
Innofibre est fier de mettre en application ses compétences en bioraffinage, en conditionnement de biomasse et en production de microalgue pour contribuer à ce bioparc qui pourra devenir un modèle transposable ailleurs au Québec.