Auteure : Wendy Rodriguez Castellanos, chercheuse chez Innofibre
Les emballages cellulosiques sont en plein essor. En 2021, le secteur de l’emballage représentait 52 % du marché global de l’industrie papetière, évalué à 351,5 milliards de dollars. Selon les experts, ce marché est en croissance annuelle de 4 % en raison de la croissance démographique et des changements de modes de consommation des produits de vente au détail.
Au cours des dernières années, des emballages cellulosiques provenant d’autres régions du monde ont fait leur arrivée sur le marché Québécois. La plupart de ces emballages sont à base de fibres alternatives, telles que le bambou ou la bagasse. Déjà en 2022, la croissance annuelle mondiale des emballages cellulosiques à partir de fibres annuelles était de 7,2 % comparativement à une croissance de 5,4 % pour ces mêmes emballages en fibres de bois. De plus, les récents incendies de forêt auront un impact significatif sur la disponibilité de la ressource forestière.
Face à cette urgence, les experts d’Innofibre ont décidé de redoubler leurs efforts de recherche sur les procédés et méthodes de mise en pâte pour qualifier des biomasses alternatives à devenir des sources de pâtes cellulosiques compétitives pour la fabrication d’emballages cellulosiques thermoformés.
L’équipe d’Innofibre œuvre maintenant à la mise à l’échelle des recettes et des procédés pour accélérer le transfert de ces technologies de mise en pâte de plusieurs biomasses alternatives du Québec et du Canada, et ce, jusqu’à l’échelle industrielle.
Qu’est-ce qu’une fibre alternative ?
Les fibres alternatives font référence à des fibres qui ne sont pas issues du bois. Les fibres libériennes, les fibres de graminées, les fibres de feuilles et les fibres de fruits sont des classes de fibres alternatives. Les fibres libériennes ont la réputation d’être longues et résistantes comme la ramie, le chanvre et le lin. Par ailleurs, les fibres des graminées proviennent des tiges et des feuilles des monocotylédones (plantes dont la plantule issue de la germination d’une graine, ne présente tout d’abord qu’une seule feuille, appelée cotylédon), telles que le bambou, la bagasse, la paille de blé, le panic érigé, entre autres. Les fibres de feuilles les plus courantes comprennent le sisal et l’abaca (des plantes de régions chaudes). Les fibres de fruits sont obtenues à partir des poils de graines ou de fruits.
Avec une telle variété de caractéristiques, la conversion de ces fibres en pâte cellulosique d’intérêt présente plusieurs enjeux tels que la collecte de la matière première, le prétraitement de cette matière, et les conditions du « traitement de mise en pâte cellulosique ».
Sources de fibres alternatives disponibles au Québec et au Canada
L’histoire nous a appris une leçon; le remplacement d’une matière première par une autre doit se faire après avoir étudié l’impact que peut déclencher une pénurie de cette matière à moyen terme, particulièrement lorsque la demande en fibres pour les emballages cellulosiques est en pleine croissance. Par conséquent, pour répondre aux besoins de remplacement de certains plastiques à usage unique, sans nuire à l’environnement ou à la chaîne alimentaire impliquant les fibres annuelles, le traitement de biomasses rapidement renouvelables, ou le traitement de biomasses résiduelles devra toujours être favorisé.
Au Québec, les sources de fibres alternatives sont les fibres agricoles, certaines plantes fourragères, les résidus de culture de pommes de terre, les résidus cellulosiques de l’industrie alimentaire, les résidus de culture haut de gamme tels que la chènevotte ou l’anas de lin, entre autres. Ailleurs au Canada, les résidus de culture agricole comme les pailles de blé, de soja et de canola, présentent un potentiel élevé.
La méthode pour développer des recettes de pâtes cellulosiques à partir des fibres alternatives
Le procédé d’extrusion est bien connu de l’industrie du plastique où il est utilisé pour créer une large gamme de produits, notamment des tuyaux, des tubes, des câbles et des formes structurelles. Ce procédé est également utilisé pour des produits alimentaires tels que les pâtes et les céréales à déjeuner. L’extrusion permet un bon mélange grâce à des pressions et des forces de cisaillement élevées. Avec une température appropriée et un taux d’humidité contrôlé, il est possible d’obtenir les conditions de réactions physico-chimiques appropriées pour la production de pâtes cellulosiques.
Dans un récent projet de recherche appliquée, les experts d’Innofibre ont étudié les effets des variables d’ingénierie du procédé d’extrusion sur la qualité de la pâte cellulosique issue de biomasses alternatives. La configuration de l’extrudeuse bi-vis, sa vitesse, son débit d’alimentation, le taux d’humidité de la biomasse, le traitement chimique, le temps d’imprégnation, la température et le prétraitement de la biomasse sont quelques-uns des paramètres contrôlés pour optimiser la production de pâtes cellulosiques aux caractéristiques prometteuses de qualité, à un coût raisonnable.
La fabrication d’emballages cellulosiques thermoformées avec l’équipement de thermoformage TF-45 (capacité de 45 kg/h) a permis d’étudier la qualité de ces pâtes pour une production à grande échelle. Le temps de cycle (temps de production d’une pièce) est d’une importance capitale pour la fabrication d’emballages cellulosiques thermoformés.
Comme certaines fibres alternatives sont longues et coriaces, et d’autres sont plus fragiles et courtes, le procédé de traitement de mise en pâte doit permettre l’adaptation pour qualifier une multitude de biomasses à devenir autant de sources alternatives de fibres cellulosiques.
Un autre défi lié à l’utilisation de fibres alternatives d’origine agricole est leur teneur élevée en silice, qui entrave la récupération de la liqueur de cuisson. C’est pourquoi Innofibre développe une méthode de cuisson qui permet de recycler la solution chimique. L’hydroxyde de potassium peut aussi être utilisé, plutôt que l’hydroxyde de sodium, ce qui générerait un résidu à valeur ajoutée pour l’industrie agricole (fertilisant).
La mise en pâte cellulosique de biomasses alternatives par le procédé d’extrusion bi-vis présente plusieurs avantages, notamment la faible quantité d’effluents, un effet simultané de raffinage des fibres pour améliorer leurs forces à même l’équipement, un pourcentage contrôlable de fines, particulièrement pour les biomasses aux courtes fibres. En outre, les rendements en fibres peuvent atteindre de 75 % à 80 %.
Les experts d’Innofibre ont relevé les défis de mise en pâte de plusieurs fibres alternatives. Obtenir un rendement en fibres intéressant et des propriétés de pâte compétitives, tout en conservant un processus à faible empreinte écologique, font partie des efforts de l’équipe pour générer des retombées économiques et écologiques bénéfiques à la communauté.
Innofibre est plus que jamais à l’avant-garde du développement d’emballages cellulosiques offrant un réel choix pour remplacer les plastiques à usage unique. En effet, les travaux d’Innofibre sur le procédé de conversion en pâte de biomasses alternatives par extrusion bi-vis se combinent avec une décennie d’expertise en thermoformage de fibres cellulosiques, pour une offre unique de transfert de technologie et de formation de la relève.
Matière première
Mise en pâte par extrusion bi-vis
Pâte cellulosique obtenue par extrusion bi-vis
Formettes produites avec la pâte cellulosique obtenue par le procédé d’extrusion bi-vis