Les procédés papetiers pour des carburants verts

28 février 2022

Auteur : Nathalie Bourdeau, chercheuse chez Innofibre

 

Les biocarburants, toujours d’actualité

Les biocarburants font l’objet de recherches intensives à travers le monde depuis de nombreuses années afin de réduire l’empreinte environnementale de différents secteurs d’activités, dont les transports. Dérivés d’huiles, d’alcool ou sous forme de gaz, les procédés qui permettent de les produire sont presque aussi nombreux que les matières premières dont ils sont issus. Alors pourquoi nos voitures ne roulent pas déjà grâce à de l’éthanol produit à partir de résidus cellulosiques ou au gaz naturel obtenu par biométhanisation de résidus agroalimentaires? La réponse à cette question simple est bien complexe, mais une des raisons majeures est bien évidemment le coût de production élevé qui fait que les biocarburants ne sont pas compétitifs avec les carburants issus des ressources fossiles.

Bien que l’électrification des transports semble aujourd’hui la meilleure solution pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre au Québec, la situation peut être différente ailleurs dans le monde où l’électricité ne provient pas en majorité d’une source renouvelable comme c’est le cas chez nous avec l’hydroélectricité. De plus, certains secteurs comme l’aviation ne peuvent envisager à court terme de faire voler à l’énergie électrique, des avions de ligne transportant des centaines de passagers. Ainsi, les carburants liquides ou gazeux resteront indispensables encore de nombreuses années. Voilà pourquoi le développement de biocarburants économiques demeure une priorité.

 

Les procédés prometteurs

La liquéfaction hydrothermale est un procédé de conversion thermochimique qui permet de produire, à partir de biomasse humide, une biohuile appelée « biobrut », s’apparentant à un brut pétrolier. En comparaison à la pyrolyse qui permet aussi d’obtenir une biohuile à partir de biomasse, la liquéfaction hydrothermale offre plusieurs avantages tels que des rendements supérieurs en huile, une qualité supérieure et la possibilité de valoriser des biomasses avec un taux d’humidité important.

Voilà pourquoi il y a déjà quelques années, ce procédé a été identifié par l’important groupe de recherche américain National Alliance for Advanced Biofuel and Bioproducts comme un procédé prometteur pour la production de biocarburant à partir de microalgues. En plus de ce procédé de conversion, l’utilisation d’eaux usées pour la culture ainsi que la valorisation de coproduits à valeur ajoutée sont des approches qui peuvent contribuer à réduire le coût de production des biocarburants algaux. Effectivement, en plus d’être une biomasse de choix pour l’obtention de biocarburant en raison de leur grande productivité et de leur contenu élevé en huile, les microalgues sont de véritables usines cellulaires qui peuvent produire une foule de molécules à valeur ajoutée.

 

 

 

Innofibre et les microalgues

Depuis 2011, Innofibre accompagne des entreprises pour la valorisation d’eaux usées comme milieu de culture pour la production de microalgues ainsi que pour le développement de certaines étapes du procédé de production qui en compte plusieurs. Les produits visés par les projets de recherche réalisés par Innofibre et ses collaborateurs sont diversifiés : carburant, colorant alimentaire, surfactant, agent antimicrobien, alimentation animale, emballage cellulosique, etc. Les travaux d’Innofibre au niveau de la production se sont orientés principalement vers la recherche de solutions pour réduire les coûts. Ainsi, en plus de développer les connaissances dans la conversion de biomasse algale par liquéfaction hydrothermale, Innofibre a aussi contribué au développement d’un procédé de récolte innovant basé sur les technologies papetières.

Les microalgues étant des organismes microscopiques aquatiques, l’eau dans laquelle la biomasse a été produite doit être retirée afin de la concentrer pour la convertir en produits. Des technologies sont actuellement disponibles sur le marché afin de réaliser cette étape du procédé, mais plusieurs d’entre elles sont coûteuses et diminuent la rentabilité des produits obtenus à partir des microalgues. Étant un centre de transfert œuvrant dans les technologies papetières, Innofibre a mis à profit  son savoir dans ce domaine pour l’appliquer aux microalgues. La fabrication du papier est un procédé de déshydratation de «biomasse fine», les fibres cellulosiques. Réalisé à l’échelle industrielle depuis plus de 100 ans, c’est un procédé performant et rentable. L’équipe d’Innofibre a ainsi identifié la machine à papier comme une solution offrant un bon potentiel pour contribuer à réduire les coûts de la récolte des microalgues.

 

 

 

Avec ses partenaires, Innofibre s’est ainsi lancé dans le développement d’une technique de récolte et de déshydratation de la biomasse algale. Après le développement de la méthode avec des équipements de fabrication de papier à l’échelle laboratoire, Innofibre a fait la mise à l’échelle du procédé sur sa machine à papier pilote, une première mondiale!

En 2016, Innofibre a eu l’occasion de présenter ces travaux à la conférence scientifique internationale AlgalBBB à San Diego en Californie et en 2018, à un regroupement de chercheurs canadiens dans le domaine des microalgues, lors d’un atelier de travail à Halifax. Très bien accueillies par la communauté scientifique, les recherches sur ce procédé de récolte de microalgues innovant se poursuivent afin de faire le transfert technologique dans l’industrie.

 

 

 

 

De plus, Innofibre travaille présentement sur le potentiel de captation des GES par les microalgues et l’utilisation de la biomasse algale dans les emballages écologiques. L’ingéniosité de l’équipe d’Innofibre dans l’adaptation des technologies papetières pour solutionner des défis dans de nouveaux domaines a fait encore une fois ses preuves !

 

 

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